Laurent Contamin
auteur, metteur en scène, comédien
Bio développée

Mon parcours artistique, depuis une trentaine d’années, c'est une activité polymorphe, faite à la fois d’écriture, de mise en scène, de jeu. De théâtre tout public, de théâtre jeune public. De texte, de jeu, de mouvement. De scène, de radio, de théâtre de rue, de salles de classe, de parcs et jardins... De pratique, de réflexion. Dedans (l’institution), dehors. Reliant processus de création et actions de médiation culturelle et de pédagogie. En résidence, en liberté.

 

1- Débuts

Ca a commencé dans les années quatre-vingt dix : je me forme au jeu d’acteur d’abord dans les conservatoires municipaux de la ville de Paris, avec Danielle Ajoret et Françoise Kanel, au Studio 34 chez Philippe Brigaud, puis au Théâtre de l’Est Parisien, avec Guy Rétoré, Jacques Hadjaje et Georges Werler. Parallèlement à cette formation théâtrale, je termine mon école d’ingénieur en traitement du signal (champ d’investigation qui n’est pas si éloigné qu’il n’y paraît de ce que représente l’acte théâtral pour moi).

Je commence à mettre en scène (Fragments, de Murray Schisgal), à jouer, tout en suivant un Troisième Cycle de Management Culturel à l'ISMC. Je travaille dans différentes structures culturelles : avec Armand Gatti, à la Parole Errante, comme assistant, puis à la Scène Nationale de Cergy-Pontoise (Théâtre des Arts, aujourd’hui l’Apostrophe) comme attaché à l’action artistique. Travail de terrain dans les écoles, les collèges, les universités, les associations... J’anime aussi des ateliers d’écriture avec les jeunes de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et des détenus de la Maison d’Arrêt du Val d’Oise.

Le plateau me manque. Le metteur en scène André de Baecque me met en scène dans un spectacle présentant Paul Claudel à travers les personnages peuplant son œuvre. A l’époque, travailler avec (sur ? pour ? contre ?) l’auteur de Partage de Midi est pour moi une nécessité. Je souhaite montrer, à la manière de l’arroseur arrosé, le créateur créé. L’auteur derrière le masque de sa création, comme personnage d’une œuvre qui le dépasse, l’excède, le féconde. Je suis aidé par le professeur Michel Autrand, de la Sorbonne. C’est Le Jeune Homme Paul, joué une cinquantaine de fois à Paris (et que je reprendrai en 2018 à l'occasion du 150ème anniversaire de l'écrivain-diplomate). C'est le début de mon intérêt pour les adaptations, et c'est aussi le début d’un compagnonnage cordial avec la famille Claudel, qui me commandera un spectacle pour les rencontres de Brangues en 2001 (L'Avion et ses Poètes) - Brangues où j'aurai la joie d'assister, quelques années plus tard, à une lecture de Veillée d'Armes  dirigée par Christian Schiaretti.

L’écriture commence à m’accompagner. Enzo Cormann me demande ma pièce Dédicace pour la lire en public avec Troisième Bureau au CNAC de Grenoble. La pièce est également mise en ondes sur France Culture par Jean-Mathieu Zahnd. Suivront quelques commandes radiophoniques : Sténopé, La Note blanche, La merveilleuse Epice de Tachawani

Une autre rencontre décisive : Grégoire Callies, qui me demande de venir le rejoindre au Théâtre de l’Agora d’Evry, où sa compagnie, le Théâtre du Chemin Creux, est alors en résidence. Après m’être familiarisé avec la vie d’une structure de production et d’une scène nationale, je découvre la vie d’une compagnie. Un an plus tard, Grégoire Callies est nommé directeur du Théâtre Jeune Public de Strasbourg. Nous continuons à travailler ensemble, d'abord par intermittence : il m’initie à la marionnette (chinoise, lyonnaise, bunraku – formation à la manipulation que je compléterai plus tard avec le maître chinois Yeung Faï), je joue dans ses différentes créations strasbourgeoises : La Tragédie de l’Homme, d’Imre Madach, Et s’ils savaient tout ? de Toon Tellegen, en français et en néerlandais, Othello de Shakespeare. Il me demande que nous mettions en scène ensemble La Peau des Pierres, de Dominique Paquet. Enfin, il me commande un texte (Fasse le ciel que nous devenions des Enfants) et une mise en scène (Juby, que j’adapte d’après Saint-Exupéry). Je continue à jouer à Paris (Dans la Solitude des Champs de Coton, de Koltès, mise en scène Isabelle Paquet) ; quelques expériences cinématographiques aussi.

 

2- Langages artistiques

Ces quelques années sont pour moi des années d’initiation au triangle parole-corps-objet, via la marionnette. J’éprouve l’expérience d’être à la fois acteur et manipulateur, le dialogue que peuvent tisser l’objet transitionnel, le corps, la voix.

Le travail du mouvement sur l’objet marionnettique m’impose de m’interroger sur mon propre mouvement, mon propre rapport au corps, au sol, à l’espace, au temps. Je commence à me former à la danse au Théâtre Paul Eluard de Bezons à l’occasion de stages avec la compagnie la Liseuse (Pascale Luce, Georges Appaix), avec Odile Duboc et Brigitte Asselineau, mais surtout, ensuite, avec Thierry Thieû Niang. Je veux chercher plus loin, dans les marges, là où l’objet marionnettique et l’objet textuel semblent vouloir m’emmener, mettre le théâtre en danger. Nous développons un compagnonnage sur plusieurs spectacles : il m’entraîne dans quelques aventures performatives (Chambres à part à Istres, La Nuit des Corps à Miramas, Ossos ou les Endormis à Chaumont), me fait danser et jouer sur l’un de ses spectacles (De But en Blanc). De mon côté, je lui demande de me diriger sur Juby, le texte de Saint-Exupéry que j’adapte pour le TJP, et plus tard je le ferai intervenir sur ma mise en scène de Roméo et Juliette.

Ces années sont aussi marquées par le cirque : lauréat Beaumarchais/France Culture pour l’année du cirque, j’écris Et qu’on les asseye au Rang des Princes, en résidence au Centre National des Arts du Cirque (meilleur auteur aux Radiophonies 2002, prix Nouveau Talent Radio de la SACD en 2005) ; par l’écriture (édition de Brèches chez Eclats d’Encre) ; par le chant (je pars chanter l’Elisir d’Amore de Donizetti en Angleterre, pour le Dorset Opera)… ; la marionnette encore (je suis cette fois dirigé par Delphine Crubézy, pour son Gaspard Hauser, à Strasbourg et en Loire-Atlantique).

En 2002, je sens qu’il faut que je creuse ce sillon de l’objet et du corps, de l’écriture et du mouvement. Je souhaite connaître mieux les travaux de Grotowski et de Kantor, maîtres « extrêmes » du sujet pour le premier, de l’objet pour le second. Je suis lauréat En Quête d’Auteurs (Villa Médicis Hors-les-murs) Culturesfrance/Beaumarchais et je peux passer trois mois en Pologne : je travaille à Wroclaw avec les successeurs de Grotowski, je vais à Cracovie m’imprégner du travail de Kantor, je voyage dans tout le pays, j’en reviens avec une pièce : Hérodiade, qui reçoit l’aide à la création d'Artcena, est mise en lecture par Serge Tranvouez au Studio théâtre de la Comédie Française en 2005 dans le cadre des Premières Lignes, avant d'être mise en scène en janvier 2007 au Centre Culturel Boris Vian des Ulis par Urszula Mikos.

Entre temps, Grégoire Callies me propose de venir m’installer à plein temps au TJP. Il souhaite que je puisse être permanent, artiste associé à la direction artistique de ce Centre Dramatique National dédié au jeune public et à la marionnette.

 

3- Permanence, écriture

Cinq saisons au cœur d’un lieu et d’un projet artistique, cinq saisons durant lesquelles je mets en scène (L’Enfant et la Rivière d’après Bosco, Roméo et Juliette de Shakespeare, Les Veilleurs de Jour, que j’écris moi-même), j’écris avec Grégoire Callies Chambre à Air, j’écris pour Gilbert Meyer (compagnie Tohu-Bohu Théâtre) Lisolo ou les Echos du Sable, j’écris aussi pour le Théâtre d’Arras deux petites pièces d’intervention en milieu scolaire dans le cadre du projet Puzzles (Fêtards ! et Précaires !) ; un catalogue d’exposition, également, pour l’Institut International de la Marionnette (Marionnettes d’artistes). Je coordonne les éditions du TJP (Provocations marionnettiques notamment), je me forme au théâtre d’ombres avec la compagnie Amoros et Augustin à Charleville-Mézières, en prévision du spectacle que je veux créer sur l'invention du cinéma par les frères Lumière (Les Veilleurs de Jour).

Une respiration : je pars écrire à la Ledig House (New York) en 2006 : le Centre National du Livre m'octroie une bourse pour l’écriture de ma prochaine pièce qui questionne l’évolution de l’identité du sujet au vingtième siècle : ce sera Devenir le Ciel, que j’achève fin 2007 (qui obtiendra en 2008 l'aide à la création d'Artcena et en 2011 le Fonds SACD pour le théâtre, dans la production du collectif Mona à Charenton fin 2011).

Durant cette période, j’aide Grégoire Callies à élaborer et mettre en œuvre son projet artistique, je découvre le fonctionnement d’un Centre Dramatique National, la vie d’une équipe de vingt cinq permanents, la relation avec les collectivités locales, l’Education Nationale, l’articulation entre l’activité de création et l’activité d’accueil de spectacles, le soutien aux compagnies locales, la formation. Et toujours la production et la diffusion, corollaires incontournables de la création. Les champs d'activité du jeune public d'une part, de la marionnette d'autre part, sont au coeur des enjeux du TJP. La mise en place d’un comité de lecture au sein du TJP me permet de mieux connaître les auteurs contemporains. Je quitte Strasbourg en 2007 pour revenir à Paris, non sans avoir signé une dernière pièce avec Grégoire Callies : La petite Odyssée.

Auteur associé au Centre Culturel Boris Vian des Ulis sur la saison 2006/07 avec Hérodiade et Les Veilleurs de Jour, je collabore également avec Olivier David pour la nuit blanche d'Ermont en juin 2007 (théâtre hors les murs). Je travaille avec la compagnie de cirque Rouge Elea, pour laquelle j'écris et mets en scène A la Poursuite du Vent : poursuite de mon apprivoisement des langages circassiens, après ma résidence au CNAC de Chalons-en-Champagne et ma mise en scène des Veilleurs de Jour, que je prolonge durant l'été à l'Hostellerie de Pontempeyrat.

Suivront les publications de Sténopé , de Tobie et de La Cigalière, une résidence à Québec, à l'occasion du 400ème anniversaire de la ville, autour de Tobie, et un retour sur les planches avec Un Monde épatant, écrit et mis en scène par Jean-Louis Bourdon.

Tandis que La petite Odyssée et A la Poursuite du Vent poursuivent leur périple en tournée (France, Canada, Espagne, Hollande), deux textes sont créés en 2009 : Travail Temporaire (commande pour rue et marionnettes de la compagnie lorraine En Verre et contre Tout) et  Noces de Papier, monté par Olivier David (Ermont). L'écriture se poursuit en résidences, au sud à La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon ainsi qu'à Vauvert, et au nord en Wallonie.

2010 et 2011 marquent pour moi le retour à la scène (et aux marionnettes) avec la compagnie L'Art Mobile dans Les Echelles de Nuages de Dominique Paquet (mise en scène Cécile Tournesol), l'écriture de Lisolo et de Babel ma belle, la maturation du projet Devenir le Ciel par le collectif Mona avant sa création en 2011, et le démarrage à l'automne de ma résidence d'écriture Voix d'eau à Beaumont-sur-Oise (95), dans le cadre des résidences d'auteur du Conseil Régional d'Ile-de-France. 2012 et 2013 quant à elles me trouvent en Limousin d'abord, où j'écris L'Eclaircie et Léon l'Enfant Noël, puis à Colombes, en Contrat Local d'Education Artistique.

 

4- Passeur d'histoires

Entre 2014 et 2019, c'est Pont-Audemer, Gif-sur-YvetteValréas et l'Essonne qui accompagnent mon travail de création et d'action artistique, tandis que je retrouve la marionnette avec la compagnie Garin-Trousseboeuf et Josette Forever. J'enseigne à Garges-lès-Gonesse, puis à Drancy, le théâtre en Conservatoire. Tête de Linotte est créé aux Ulis et je commence à tourner En pure Perte. Grand merci à Didier Perrier de la Compagnie L'Echappée qui me commande et monte La petite Marchande d'Histoires vraies, tournée en Picardie ; à Thomas Ress qui fait de même en Alsace avec Un Verger pour Mémoire  et Pelote ; à Stéphane Colin qui écume la Lorraine avec Sweet Summer Sweat ; à Vanessa Rivelaygue pour qui je réécris Nicolette & Aucassin...

Mon chantier de "diseur de bonne écriture", entamé avec En pure Perte se poursuit (80 représentations à ce jour) et s'étoffe avec la reprise de Juby  et l'arrivée de En attendant Dersou et du Jeune Homme Paul, tandis qu'une nouvelle résidence en forêt de Fontainebleau donne lieu aux Murmures de Haute-Claire, et que je poursuis mon compagnonnage avec la compagnie Souffle 14 en mettant en scène Tant que nos Coeurs flamboient.

Les "petites formes contées à jouer partout" deviennent le coeur de ma création, avec deux petits spectacles jeune public qui s'ajoutent, en 2020, aux formes littéraires davantage tout public : Signé Kiko, un contrepoint à Il est interdit aux Poissons de grignoter les Pieds des Tortues, et une version pour kamishibaï des Murmures de Haute-Claire : le premier s'adresse aux élèves de cycle 2, le second aux cycle 3. Peu à peu un ancrage territorial s'impose, principalement sur les départements de l'Oise, du Val d'Oise et de l'Aisne.

Je renoue avec les formations et les masterclasses en collaborant avec l'Ecole du Livre Jeunesse, avec l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et l'université de Strasbourg. La sortie du confinement me trouve à la Réunion dans le cadre d'un compagnonnage auteur-compagnie, qui aboutira à l'écriture du Parfum d'Edmond, puis à la Bibliothèque Armand Gatti pour A bon Port, Prix d'écriture théâtrale 2023 du Jardin d'Arlequin.


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